BJN#225 – Donner son rein, mais protéger son cœur

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BJN#225 – Donner son rein, mais protéger son cœur

Merci à Delphine Haussaire, néphrologue à Dax et membre du conseil scientifique pour ce résumé!

N’hésitez pas, si vous le souhaitez, à nous envoyer vos lectures !

Cette BJN est rédigée en rapport avec cet article : Increased risk of ischaemic heart disease after kidney donation, Haugen et al, publié dans Nephrology Dialysis and Transplantation en Avril.

Introduction :

La transplantation rénale à partir de donneur vivant est le meilleur traitement de l’insuffisance rénale terminale que l’on puisse proposer.

Cette procédure, si elle bénéficie au receveur, n’est pas dénué de risque pour le donneur.

Plusieurs méta-analyses avaient suggéré une augmentation de la pression artérielle et de la protéinurie après un don de rein et une étude publiée en 2014 avait mis en évidence une augmentation de la mortalité cardiovasculaire chez les donneurs (1).

Les auteurs ont réalisé une étude observationnelle en Norvège comparant le taux de coronaropathie, événement vasculaire cérébral, diabète de type 2 et cancer survenant chez les donneurs de rein et des sujets contrôles sur le long terme.

 

Matériel et méthode

Les donneurs ont été inclus à partir des données du registre norvégien enregistrant les donneurs vivants entre 1972 et 2007. Les donneurs présentant les caractéristiques suivantes étaient exclus : IMC >30kg/m2 ou <17kg/m2, glycémie à jeun>7mmol/L, âge>70 ans, PAS > 140mmHg et /ou PAD>90mmHg, traitement antihypertenseur, ou DFG<70ml/min, et les donneurs chez qui une fibrillation atriale ou une HVG était répertoriée.

Les sujets contrôle ont été inclus à partir de la cohorte de la HUNT study. La HUNT study est une étude de cohorte longitudinale observationnelle réalisée auprès de la population générale norvégienne avec inclusion et suivi des sujets au cours de 3 périodes distinctes, de 1984 à 1986 (HUNT1), 1995-1997 (HUNT 2), et 2006-2008 (HUNT 3).

Les patients inclus en tant que sujets contrôles devaient avoir été enrôlés au cours de HUNT 1 ou HUNT 2, remplir les critères d’éligibilité à un don vivant, d’après les caractéristiques rapportées dans le registre, et être toujours suivis au cours de HUNT3.

Les donneurs de rein ayant réalisé leur don avant 1990 étaient comparés aux contrôles inclus au cours de HUNT 1 et après 1990 avec les contrôles inclus au cours de HUNT 2.

Les données recueillies et analysées au sein des 2 cohortes étaient les suivantes : apparition depuis le don de rein ou l’inclusion dans HUNT pour les contrôles d’une coronaropathie, d’un diabète de type 2, d’un événement vasculaire cérébral ou d’un cancer.

Ces données étaient recueillies par un médecin lors d’un entretien médical dédié chez les donneurs, entre 2008 et 2013, et chez les contrôles, basés sur le recueil des données de suivi de HUNT 3.

Les données ont été analysées avec la méthode de régression logistique avec ajustements multiples sur les co-variables suivantes : genre, âge, durée de suivi, statut tabagique, IMC et pression artérielle à l’inclusion. Pour pallier des données manquantes concernant l’IMC et le statut tabagique chez les donneurs, la technique de l’imputation multiple a été employée.

Résultats

1029 donneurs et 16084 sujets contrôles ont été inclus. Le suivi moyen était de 11,3 ans pour les donneurs de rein et de 16,4 ans pour les contrôles.

Les 2 populations différaient significativement à l’inclusion pour l’âge : âgé de 44,8 ans chez les donneurs et 37,1 ans chez les contrôles, l’IMC de 24,5 chez les donneurs à 23.9kg/m2 chez les contrôles et le tabagisme : 33.5% des donneurs étaient fumeurs, contre 28% des contrôles.

Après analyse statistique avec ajustements multiples, il y avait significativement plus de survenue de coronaropathie chez les donneurs versus contrôles, avec un OR de 1.65 (1.10-2.43), 3.5% des donneurs versus 1.7% des contrôles ayant eu une coronaropathie au cours de leur suivi.

Une fois ajusté sur le DFG, il n’y avait plus de différence significative entre les donneurs et contrôles, concernant la survenue de coronaropathie.

Il n’y avait pas de différence significative entre les 2 groupes pour la survenue de diabète, événements vasculaires cérébraux et cancer.

Discussion :

Les donneurs de rein semblent avoir un surrisque de coronaropathie à long terme. Ce risque semble corrélé au niveau de DFG, logiquement diminué chez les patients après néphrectomie. L’association entre DFG et risque cardiovasculaire étant également connu en population générale (2).

Les donneurs vivants devraient donc bénéficier d’un suivi médical sur le long terme, intégrant ce risque cardio-vasculaire et en insistant sur la prévention et le traitement des autres FDRCV dans cette population particulière.

Les + du papier :

Grand nombre de participants et suivi sur le long terme permettant d’observer suffisamment d’événements et de comparer les 2 cohortes.

Les – du papier :

Les contrôles et les donneurs n’ont pas été inclus exactement aux mêmes périodes, ce qui peut être une source de biais. Un suivi prospectif serait plus adapté pour obtenir des résultats solides. L’étude a été exclusivement réalisée en Norvège, est n’est donc de principe pas extrapolable à toute la population des donneurs.

Perspectives

La transplantation à partir de donneurs vivants faisant de plus en plus appel à des donneurs  plus âgés que ceux de cette étude, il serait judicieux de réaliser des études similaires incluant ces patients plus âgés.

Cette étude renforce la nécessité, quelque soit l’âge du donneur, d’identifier au mieux les risques auxquels ils sont exposés, de leur en fournir une information éclairée et d’assurer leur suivi sur le long terme.

  1. Mjøen G, Hallan S, Hartmann A, Foss A, Midtvedt K, Øyen O, et al. Long-term risks for kidney donors. Kidney Int. juill 2014;86(1):162‑7.
  2. Go AS, Chertow GM, Fan D, McCulloch CE, Hsu C yuan. Chronic kidney disease and the risks of death, cardiovascular events, and hospitalization. N Engl J Med. 23 sept 2004;351(13):1296‑305.

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