BJN#238 – Maastricht en Suisse : une histoire qui dure !

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BJN#238 – Maastricht en Suisse : une histoire qui dure !

Merci à  Pierre Filipozzi, de Metz, membre du conseil scientifique pour ce résumé.

N’hésitez pas, si vous le souhaitez, à nous envoyer vos lectures !

Cette BJN est rédigée en rapport avec cet article :

Long-term outcomes of transplant kidneys donated after circulatory death, par Amélie K. Müller et al. publié dans Nephrol Dial Transplant en Mai 2022

Introduction

Les programmes de transplantation rénale avec reins issus de donneur à cœur arrêté (DCA) ont été relancés dans de nombreux pays au cours de la dernière décennie pour répondre aux pénuries de greffon. La survie rénale à 10 ans des receveurs de rein de DCA est équivalente à celle des receveurs de rein de donneur en mort encéphalique (DME) mais il n’y a pas de données à plus long terme. Cette étude visait à comparer le DFG et la survie rénale à très long terme (> 20ans) de receveurs de rein de DCA et de DME.

 

Matériels et méthodes

Travail rétrospectif réalisé par l’équipe de l’hôpital universitaire de Zurich sur les patients transplantés de janvier 1985 à mars 2000 et suivis jusque décembre 2020. Sur cette période, 1133 patients ont été transplantés dont 122 (10,8%) avec DCA. Ces 122 patients ont été appariés pour l’âge, le sexe et l’année de transplantation avec des patients transplantés avec rein de DME. L’appariement a été réalisé sur une base 1 pour 1. La plupart des patients étaient traités par une trithérapie associant prednisone, CsA et AZA (puis CS, CsA, MMF à partir de 1996). Les patients avec rein de DCA étaient induis par SAL avec introduction retardée de la CsA à J10.

 

Résultats

Sur les 122 donneurs DCA, 56 étaient de la catégorie Maastricht 2 et 66 de la catégorie Maastricht 3. Les reins DCA avaient un temps d’ischémie chaude médian de 31min. Le temps d’ischémie  (IF) était significativement plus long pour les reins DCA par rapport aux reins DME (médiane 18h vs 15h, p=0,03). En revanche, pas de différence significative selon le statut du donneur pour les caractéristiques démographiques, la compatibilité HLA ou le degré d’immunisation du receveur. 25 patients ont été perdus de vue (16 patients DME, 9 patients DCA).

La survie du greffon censurée pour le décès après 35 ans de suivi était de 277 mois (soit 23ans) (95% CI 182–372) dans dans le groupe DME et de 289 mois(soit 24ans et demi) (95% CI 245–333) dans le groupe DCA (p=0,65 ; HR 0,88).

Une analyse en sous groupes selon le temps d’IF a été réalisée et aucune différence n’a été retrouvée : IF <12 h (p = 0.66), 12–18 h (p = 0.94), 19–24 h (p = 0.86) and >24 h (p = 0.53).

115 patients (47%) sont décédés pendant la période de suivi dont 76 (66%) avec un greffon fonctionnel. Il n’y avait pas de différence significative selon le statut DCA/DME.

71 patients avaient survie du greffon supérieure à 20 ans et les résultats étaient similaires entre les groupes, notamment pour le DFG (cf tableau).

Un retard de reprise de fonction rénale (définie par la nécessité de dialyse dans les 7 premiers jours post greffe) est survenu chez 47 patients (39%) du groupe DCA contre 23 (19%) patients du groupe DME (p < 0,001) sans impact statistiquement significatif sur la survie du greffon.

 

Conclusion

Cette étude montre une survie des greffons et une fonction rénale similaire quelque soit le type de greffon prélevé. Elle confirme que les greffons issus de DCA sont utilisables et donnent de bons résultats.

Les auteurs soulignent que les patients perdus de vue ne suffisent pas à modifier les principaux résultats de l’étude, même avec imputation du pire résultat possible aux patients perdus de vue.

 

Les plus du papier

  • Il s’agit du premier travail avec un suivi à très long terme (>20ans) des patients transplantés rénaux avec DCA. Pour rappel, en France, les prélèvements de rein de donneurs de la catégorie Maastricht III ne sont autorisés que depuis 2014.
  • Cette étude soutient l’utilisation des greffons issus de DCA.
  • Appariements des patients permettant de limiter les biais.

 

Les critiques

  • Etude monocentrique avec un nombre de patients assez modeste. Les données d’analyse en sous groupe sont à prendre avec beaucoup de réserve. Des données issues d’un registre national permettraient de confirmer les résultats de cette étude.
  • Le nombre de patients avec une ancienneté de greffe de plus de 20 ans est très limité dans ce travail (51). Le DFG est inférieur de 10mL/min/1,73m² chez les patient avec rein DCA mais ce n’est pas significatif. Manque de puissance ?
  • Le sérum antilymphocytaire ne serait utilisé  dans ce travail que pour les patients avec reins de DCA ? De façon générale, il y a peu de détails dans l’article sur les traitements immunosuppresseurs utilisés.
  • Les receveurs étaient jeunes en moyenne à l’âge de la transplantation [45ans (34–52)]. Cela s’explique probablement par le fait que les patients suivis dans ce travail ont été greffés au plus tard en l’an 2000. A titre de comparaison, l’âge moyen des patients transplantés en 2021 en France était de 53,6ans. La survie à 10 ans est excellente dans ce travail (environ 75% avec greffon encore fonctionnel à 10 ans). Les résultats sont-ils extrapolables ?

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