BJN#132 – Paternaliste, interprétatif… Dis moi quel néphrologue tu es?

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BJN#132 – Paternaliste, interprétatif… Dis moi quel néphrologue tu es?

Characterizing Approaches to Dialysis Decision Making with Older Adults : A Qualitative Study of Nephrologists

Merci à Flora Brunner, Néphrologue à Marseille et membre du comité scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !

Introduction

L’initiation de la dialyse concerne souvent les patients âgés de plus de 75 ans aux Etats-Unis. Certains de ces patients déclarent regretter cette mise en dialyse, d’autant plus qu’elle ne leur confère pas toujours un bénéfice significatif en terme de survie et peut altérer leur qualité de vie.  Les guidelines encouragent les prises de décisions partagées y compris avec les patients les plus âgés. Cependant, certains néphrologues n’évoquent pas toujours dans la routine le traitement conservateur comme option thérapeutique dans l’insuffisance rénale chronique stade V. L’objectif de cet article était d’évaluer qualitativement les différentes approches des néphrologues en terme d’options thérapeutiques et notamment concernant le traitement conservateur chez les patients de plus de 75 ans.

Matériels et méthodes

Les néphrologues devaient répondre à des entretiens semi-structurés développés par un qualiticien et un néphrologue. Ils étaient interrogés via des questions ouvertes sur les discussions considérées comme réussies ou non avec les patients et devaient décrire comment ils aidaient  ou orientaient le patient dans son choix thérapeutique.

L’analyse typologique utilisée dans cette étude est une méthodologie qui différencie les membres d’un groupe selon leur approche distincte d’un phénomène donné comme par exemple ici le choix thérapeutique.

Les chercheurs ont analysé les interviews des différents néphrologues sur la base d’un tableau de codes afin qu’in fine de manière consensuelle chaque participant soit assigné  à un modèle prédominant.

Résultats

Trente cinq néphrologues issus de 18 centres de néphrologie répartis dans 9 états des Etats-Unis ont répondu aux interviews semi-structurées d’une durée de 36 ± 11 minutes ; 20% étaient des femmes, 66% avaient au moins 10 ans d’expérience en néphrologie et 80% exerçaient dans un centre universitaire médical.

L’analyse typologique a identifié 4 approches distinctes du choix thérapeutique : l’approche paternaliste, l’approche informative, l’approche interprétative et l’approche institutionnaliste.

Cinq thèmes émergents caractérisaient les différentes approches : l’autonomie du patient, l’implication et la délibération, l’influence des normes institutionnelles, l’importance des résultats cliniques  (survie et initiation de la dialyse) et le rôle du médecin (éducation, management des symptômes) (Table 2).

Seulement un tiers des participants évoquait en routine le traitement conservateur, ces néphrologues suivaient soit l’approche interprétative soit informative. Plus généralement les néphrologues attribuaient le succès de l’échange avec le patient à ce dernier et au médecin en mentionnant le temps d’échange, l’implication du patient dans le choix de la modalité de dialyse, l’éducation, la compréhension du patient.  A l’inverse, ils attribuaient l’échec d’une discussion  au patient en évoquant les connaissances médicales limitées, le manque d’implication, les réponses émotionnelles, l’interférence des aidants et la barrière de la langue.

Selon l’approche paternaliste, les médecins veulent « protéger » leurs patients. Ils assument la responsabilité de choisir l’option thérapeutique qui améliorera de la manière la plus probable la santé de leurs patients et leurs symptômes. Ils placent au premier plan l’amélioration de l’état de santé de leurs patients avant l’autonomie et la question des valeurs du patient.

Selon l’approche informative, les néphrologues insistent beaucoup sur l’éducation, permettant au patient un choix éclairé. Ils se préoccupent plus de l’autonomie du patient que du choix thérapeutique final du patient. Ils présentent les options thérapeutiques de manière très neutre. Ils présentent régulièrement le traitement conservateur comme une alternative valable à la dialyse. Les valeurs du patient sont au premier plan de même que le facteur éducatif pour que le patient fasse le choix le plus adapté à ses objectifs de vie.

Selon l’approche interprétative, les néphrologues se perçoivent comme des guides orientant le choix des patients selon les valeurs, les buts, les souhaits  que ceux-ci ont partagé avec leur médecin. Ils insistent sur l’importance de la relation de confiance et la compréhension des souhaits du patient. Cette typologie est la seule à souligner l’importance du soutien des aidants dans le succès du choix thérapeutique.

Selon l’approche institutionnaliste, les néphrologues sont influencés par les pratiques culturelles et les normes. Ils  considèrent les challenges concernant le choix du traitement conservateur à un niveau plus institutionnel : politiques de santé, incitations financières, temps limité alloué à la discussion avec le patient, manque d’approche consensuelle du traitement conservateur au sein de l’équipe soignante. Les médecins considèrent qu’une discussion a été positive s’ils ont eu un temps suffisant d’échange et du soutien de la part de leur équipe.  Ils sont demandeurs d’un cadre institutionnel plus développé concernant le choix du traitement conservateur.

Conclusion

Les approches paternaliste et institutionnaliste jugent l’initiation de la dialyse comme preuve de succès alors que les approches informative et interprétative valorisent l’implication du patient, la qualité de vie et l’alignement des valeurs du patient avec le choix du traitement. Ce sont également les seules typologies qui abordaient le traitement conservateur. L’approche interprétative était celle qui assurait le mieux la décision thérapeutique partagée.

Les plus du papier

– étude originale abordant une situation clinique très fréquente dans notre pratique médicale

– connaître les différentes perceptions (leurs forces et leurs faiblesses) des néphrologues peut nous aider à améliorer/optimiser nos discussions avec les patients concernant le choix thérapeutique dans l’IRC stade V

Les critiques

  • étude réalisée aux Etats-Unis où la pratique néphrologique est différente
  • population féminine peu représentée, surreprésentation des centres universitaires
  • biais de mémorisation

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CJN - Jeunes Néphrologues

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