BJN#183 – Des serpents dans le rognon !

archives/11698

BJN#183 – Des serpents dans le rognon !

Cette BJN est rédigée en rapport avec la référence bibliographique suivante :

Priyamvada PS, Jaswanth C, Zachariah B, Haridasan S, Parameswaran S, Swaminathan RP. Prognosis and long-term outcomes of acute kidney injury due to snake envenomation. Clin Kidney J. 2019 Jun 3;13(4):564-570. doi: 10.1093/ckj/sfz055. PMID: 32905257; PMCID: PMC7467597.

Lien vers l’article : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32905257/


Merci à Mickaël Bobot, Néphrologue à Marseille, membre du Comité Scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !

Introduction

Les morsures de serpent sont responsables d’environ 138 000 morts par an, et représentent un vrai problème de santé publique dans certains pays tropicaux (0.5% des causes de décès annuelles en Inde, surtout chez les travailleurs agricoles). En particulier, la morsure de la vipère de Russell peut provoquer un syndrome de fuite capillaire majeure. Les données de la littérature à propos du risque d’IRA post-envenimation hématotoxique après morsure de serpent sont très limitées et issues d’études rétrospectives, et le pronostic à long terme sur la fonction rénale n’est pas connu.

Patients et méthodes

  • Étude prospective monocentrique Indienne
  • Inclusion de patients hospitalisés pour morsure de serpent hématotoxique sur une période de 18 mois.
  • Exclusion des patients avec antécédent de MRC (DFG < 60 ml/min/1.73m², ou albuminurie > 30 mg/g ou anomalie du sédiment urinaire)
  • Tous les patients ont reçu 7 à 10 doses d’anti-venin polyvalent, d’avantage en cas de persistance de la coagulopathie
  • Suivi à distance

Résultats

  • 420 patients screenés après morsure de serpent avec envenimation hématotoxique, parmi eux 214 (51%) avaient des marqueurs d’hématotoxicité systémique (définie par l’apparition aiguë de troubles de la coagulation) et 184 patients (43.8%) avaient une IRA et étaient inclus dans l’étude suivi.
  • Morsure par russelii dans 22% des cas, par E. carinata dans 14% des cas, espèce non identifiée dans 64% des cas.
  • Un syndrome de fuite capillaire était observé chez 14% des patients
  • La mortalité était de 21.5%, dont les facteurs de risque étaient la nécessité de ventilation mécanique (RR 5.59), l’hypotension (RR 2.48), le syndrome de fuite capillaire (RR 2.02). La mortalité était plus importante chez les patients ayant fait une IRA KDIGO 3 (29.7% – RR 4.45).
  • Parmi les 140 survivants, 31% avaient un DFGe > 60 ml/min à la sortie de la réanimation.
  • A 3 mois, 29% des patients patients avaient des complications rénales : un DFGe < 60 ml/min chez 19%, une albuminurie significative chez 7%, une HTA ou une pré-HTA chez 7%. Chez un patient resté MRC stade V dépendant de la dialyse, une PBR a été réalisée montrant un aspect de microangiopathie thrombotique.

Conclusions

La survenue d’une IRA en cas d’envenimation après morsure de serpent en Inde est associée à un risque de mortalité important.

Un tiers des patients ayant fait une IRA vont développer des complications rénales à long terme comme une HTA ou une IRC.

Les plus du papier

  • Sujet original sur un vrai problème endémique
  • Plus grande série sur le sujet
  • Recueil et suivi prospectif mettant en évidence un risque de MRC considérable

Les critiques

  • Les résultats ne sont probablement extrapolables qu’aux morsures de serpents endémiques de cette région d’Inde : la morbi-mortalité rapportée est très variable même entre les différentes espères de vipères
  • Intérêt incertain du sérum anti-venin pour prévenir l’IRA ou les complications rénales à long terme
  • Suivi à distance chez seulement la moitié des survivants (nombreux perdus de vue)
  • DFGe antérieurs à l’hospitalisation non disponibles (donc probables sous-estimation de MRC sous-jacente), mais imagerie rénale réalisée pour exclure les patients avec reins de taille diminuée.

Partager cet article


CJN - Jeunes Néphrologues

GRATUIT
VOIR