BJN#199 – AKIKI 2 : la dialyse en IRA : tard mais pas trop ?

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BJN#199 – AKIKI 2 : la dialyse en IRA : tard mais pas trop ?

Cette BJN est rédigée en rapport avec la référence bibliographique suivante :

Gaudry S, Hajage D, Martin-Lefevre L, Lebbah S, Louis G, Moschietto S, Titeca-Beauport D, Combe B, Pons B, de Prost N, Besset S, Combes A, Robine A, Beuzelin M, Badie J, Chevrel G, Bohé J, Coupez E, Chudeau N, Barbar S, Vinsonneau C, Forel JM, Thevenin D, Boulet E, Lakhal K, Aissaoui N, Grange S, Leone M, Lacave G, Nseir S, Poirson F, Mayaux J, Asehnoune K, Geri G, Klouche K, Thiery G, Argaud L, Rozec B, Cadoz C, Andreu P, Reignier J, Ricard JD, Quenot JP, Dreyfuss D. Comparison of two delayed strategies for renal replacement therapy initiation for severe acute kidney injury (AKIKI 2): a multicentre, open-label, randomised, controlled trial. Lancet. 2021 Apr 3;397(10281):1293-1300.

Lien vers l’article : Comparison of two delayed strategies for renal replacement therapy initiation for severe acute kidney injury (AKIKI 2): a multicentre, open-label, randomised, controlled trial

Merci à Yosu Luque, Néphrologue en Californie, membre du Comité Scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !


Introduction

Le délai de démarrage de l’épuration extra-rénale dans le cadre de l’insuffisance rénale aiguë du patient en réanimation a fait l’objet de longs débats et de 3 essais randomisés contrôlés récents : AKIKI (Gaudry et al. NEJM 2016), IDEAL-ICU (Barbar et al. NEJM 2018) et STARRT-AKI (NEJM 2020). Ces dernières études ainsi qu’une méta-analyse récente (Gaudry et al. The Lancet 2020) ne montrent pas de bénéfice de survie associé au démarrage précoce de l’EER. Pas d’intérêt à démarrer tôt (et même dans certains des essais plus de complications avec une stratégie d’initiation précoce) mais quel est le délai idéal de démarrage ? Existe-t-il un bénéfice à avoir une stratégie de démarrage encore plus retardée ?  AKIKI 2 est un essai randomisé contrôlé français qui cherche à répondre à cette question en incluant un bras avec des critères de démarrage plus tardif de l’EER.

Patients et méthodes

Il s’agit d’une essai randomisé multicentrique contrôlé en ouvert français réalisé dans 39 unités de soins critiques comparant deux stratégies d’initiation retardée de l’EER en cas d’IRA KDIGO3. Il s’agit de patients adultes nécessitant la ventilation invasive et/ou un support vasopresseur. Les patients étaient incluables en cas d’anurie > 72h ou urée plasmatique comprise entre 40 et 50 mmol/L (critères du bras « stratégie retardée » de l’essai AKIKI publié en 2016). Les patients étaient randomisés entre un bras « initiation retardée » avec démarrage de l’EER (technique intermittente ou continue) dans les 12h après randomisation et un bras « initiation très retardée » avec un démarrage de l’EER en cas d’œdème pulmonaire, hyperkaliémie menaçante, acidose sévère ou taux d’urée plasmatique > 50 mmol/L. Le suivi était de 60 jours. Le critère principal était le nombre de « jours sans EER » entre la randomisation et J28. Ce critère principal tenait compte de la survie du patient et de l’absence de EER.

Résultats

Entre mai 2018 et octobre 2019, 278 patients ont été randomisés (137 dans le bras « stratégie retardée » et 141 dans le bras « stratégie très retardée »). Il n’y a pas de différence significative entre les deux stratégies concernant le critère principal (12 jours EER free dans la stratégie retardée et 10 jours EER free avec la stratégie très retardée, p= 0,92). Pas de différence en termes de complications potentiellement liées à la technique d’EER ou à l’IRA entre les deux stratégies. Une analyse multivariée de la mortalité à 60 jours montre une surmortalité dans le bras « stratégie très retardée » par rapport à la stratégie « retardée » (HR 1,65 (95%CI 1,09-1,95 ; p= 0,018).

 

Conclusion

Dans le cas des IRA KDIGO 3 en réanimation avec oligurie > 72h et urée > 40 mmol/L une stratégie plus retardée d’initiation de l’EER ne s’accompagne pas d’un bénéfice de survie ni de moindres complications.

Les plus du papier

  • Permettre d’homogénéiser sur des bases scientifiques une pratique clinique très disparate et associée à des coûts très élevés
  • Qualité méthodologique de l’étude
  • Financement publique de l’étude

Les critiques

  • La difficulté à expliquer la surmortalité à J60 du bras « initiation très retardée ». Pas de surmortalité à J28.
  • L’utilisation du taux d’urée pour l’initiation de la dialyse peut être critiquée, la néphrologie manque cependant de bon biomarqueur…
  • Etude non applicable aux IRA hors réanimation et autres IRA hors NTA : glomérulonéphrites, IRA vasculaires (MAT)

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