BJN#206 – Destination tropicale : les îlots de Langerhans !

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BJN#206 – Destination tropicale : les îlots de Langerhans !

Cette BJN est rédigée en rapport avec la référence bibliographique suivante :

Lablanche S, Borot S, Wojtusciszyn A, Skaare K, Penfornis A, Malvezzi P, Badet L, Thivolet C, Morelon E, Buron F, Renard E, Tauveron I, Villard O, Munch M, Sommacal S, Clouaire L, Jacquet M, Gonsaud L, Camillo-Brault C, Colin C, Bosson JL, Bosco D, Berney T, Kessler L, Benhamou PY; GRAGIL Network. Ten-years outcomes of islet transplantation in patients with type 1 diabetes: data from the Swiss-French GRAGIL network. Am J Transplant. 2021 May 7.

Lien vers l’article : Ten-years outcomes of islet transplantation in patients with type 1 diabetes: data from the Swiss-French GRAGIL network

Merci à Marion Delafosse, Néphrologue à Lyon, membre du Comité Scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !


Introduction

L’été approche, on rêve tous d’une destination paradisiaque…vous avez pensé aux îlots de Langerhans ? La greffe d’îlots pancréatiques est une alternative encore peu connue à la transplantation pancréatique chez les patients diabétiques de type 1 (DT1) déjà greffés du rein ou ayant un diabète très instable. Cette technique évite la lourde morbidité associée à la chirurgie du pancréas (30% de re-laparotomies et 4% de décès) puisque les îlots sont « simplement » injectés dans le foie via la veine porte. Néanmoins cette procédure doit souvent être répétée (2 à 3 injections en moyenne pour obtenir un nombre suffisant d’îlots) et ses résultats à long terme ne sont pas connus. Dans cet article, le groupe franco-suisse GRACIL nous livre les résultats à 10ans de leurs greffes d’îlots.

Patients/matériels et méthodes

Etude rétrospective multicentrique incluant des patients majeurs, ayant eu des îlots soit après une transplantation rénale, soit seuls en l’absence d’insuffisance rénale (DFGe > 50 mL/min/1.73m2). Les patients obèses ou fortement insulinorequérants (> 0.7 IU/kg/jour) étaient exclus.

Le critère de jugement principal était le β-score (score composite prenant en compte la glycémie à jeun, l’HbA1c, le taux de peptide C et la nécessité ou non d’avoir un traitement hypoglycémiant, le meilleur score étant de 8 et le moins bon de 0). Etaient également évalués la survenue ou non d’hypoglycémies sévères et l’évolution de la fonction rénale au cours du suivi.

Résultats

44 patients ont été inclus entre septembre 2003 et avril 2010.

L’analyse du contrôle métabolique à 10 ans a été possible chez 31 de ces patients (6 décès, 6 pertes de greffon entre 5 et 10 ans et ayant bénéficié d’une seconde greffe d’îlots et un refus).

Le β-score médian était de 1 à 10 ans (p < 0.05 en comparaison avec le pré-greffe). L’HbA1c médiane était de 7.2 % à 10 ans contre 8.0 % en pré-greffe (p < 0.001). Les besoins médians en insuline étaient de 0.3 UI/kg/j versus 0.5 UI/kg/j avant les îlots (p < 0.001). Un seul patient (4.8 %) était encore insulino-indépendant à 10 ans.

74 % des patients n’ont pas eu d’épisode d’hypoglycémie sévère au cours du suivi.

Le taux de décès était de 2.0/100 patient-année (aucun décès lié directement à la procédure) et l’incidence des cancers de 1.3/100 patient-année.

La perte annuelle de DFGe était de -1.15 ml/min/m2 dans le groupe îlots seuls et de -0.99 dans le groupe îlots après rein (versus -1.9 à -3.3 mL/min dans la population DT1).

Conclusion

La greffe d’îlots pancréatiques améliore le contrôle métabolique et limite les hypoglycémies sévères des patients DT1 (notamment chez les patients greffés seulement d’îlots, où les hypoglycémies sont un des problèmes majeurs), même à 10 ans de la greffe. Les résultats en terme d’insulino-indépendance restent largement inférieurs à ceux de la greffe de pancréas, mais permettent une morbidité péri-opératoire bien moindre.

L’utilisation d’autres sources de cellules (cellules souches ou îlots xénogéniques), l’optimisation des traitements immunosuppresseurs pour en limiter les effets indésirables et améliorer la survie des greffons pourraient contribuer à améliorer les résultats de cette technique dans les années à venir.

Les plus du papier

  • Bien que l’effectif puisse faire sourire nos amis cardiologues, c’est une des plus grosses cohortes de patients transplantés d’îlots !
  • Suivi de 10 ans
  • Etude non seulement du contrôle du diabète mais également du retentissement sur la fonction rénale

Les critiques

  • Etude rétrospective
  • Pas de groupe contrôle (greffés de pancréas ou patients sur liste)
  • Exclusion des patients ayant perdu leur greffon entre 5 et 10 ans, ce qui entraine une surestimation des résultats métaboliques à 10 ans.

 

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