BJN#245 – Je t’appelle pour l’INR … A quand les AOD en dialyse ?

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BJN#245 – Je t’appelle pour l’INR … A quand les AOD en dialyse ?

Merci à Amaury DUJARDIN, de Laval, membre du conseil scientifique pour ce résumé.

N’hésitez pas, si vous le souhaitez, à nous envoyer vos lectures !

Cette BJN est rédigée en rapport avec cet article :

A Randomized Controlled Trial Comparing Apixaban With the Vitamin K Antagonist Phenprocoumon in Patients on Chronic Hemodialysis: The AXADIA-AFNET 8 Study, de Reinecke et al., publié dans Circulation en Janvier 2023.

Introduction

Les AOD se sont largement imposés depuis quelques années comme le traitement anticoagulant de choix, notamment dans la fibrillation atriale, et plus récemment chez nos patients ayant une insuffisance rénale avancée. L’utilisation chez des patients ayant une clairance <15 mL/min ou en hémodialyse est encore controversée, et principalement basée sur de petites études rétrospectives. L’Apixaban notamment, à métabolisme hépatique, parait intéressant dans ce contexte. L’équipe allemande s’est intéressée ici à la sûreté d’utilisation de l’Apixaban en hémodialyse en comparaison au Phenprocoumon (principal AVK utilisé en Allemagne et en Autriche).

Matériels et méthodes

Cet essai était mené dans des centres d’hémodialyse en Allemagne, de manière prospective. La nécessité d’une surveillance de l’INR sous AVK a imposé une étude en ouvert, mais les résultats étaient analysés en aveugle du groupe de traitement. L’objectif principal était de comparer la sûreté de l’Apixaban 2.5mg matin et soir à l’AVK, et de vérifier la non-infériorité du traitement dans la prévention des AVC.

Les critères d’inclusion étaient une FA avec score de CHA2DS2-VASc ≥2.

Les patients étaient exclus s’ils avaient présenté un AVC dans les 3 premiers mois d’inclusion, s’ils étaient dialysés depuis moins de 3 mois, en cas de valvulopathie mitro-aortique significative, s’ils avaient une autre indication à l’anticoagulation, s’ils avaient présenté un saignement majeur dans les 6 derniers mois. Deux sous-groupes étaient constitués, pour les patients ayant un antécédent d’AVC, et pour les patients naïfs d’anticoagulation curative. Le critère de jugement principal était composite (mortalité toute cause, saignement important, et saignement modéré mais jugé cliniquement significatif). Le critère de jugement secondaire, jugeant de l’efficacité, était aussi composite (infarctus du myocarde, AVC ischémique, mortalité toute cause, TVP / embolie pulmonaire).

Résultats

En 5 ans, 108 patients ont été screenés dans 39 centres, et 97 patients ont pu être randomisés. On relève 70% d’hommes, avec un âge médian de 74.7 ans. 60.8% des patients ont été suivis pendant plus de 12 mois après randomisation.

Sur le critère de jugement principal composite, 22 évènements sont survenus dans le groupe Apixaban, et 25 dans le groupe AVK. Le taux d’évènement était de 36.1 pour 100 patient-années dans le groupe Apixaban et 36.6 dans le groupe AVK (p=0.1567). Il n’y avait pas de différence pour la mortalité toutes causes (p=0.7820). Le modèle de Cox retrouvait un HR entre les 2 groupes de 0.931 (0.525–1.651). Ces résultats étaient retrouvés dans les sous-groupes de patients sans antécédent thrombo-embolique.

Concernant le critère d’efficacité, 10 patients du groupe Apixaban et 15 patients du groupe AVK ont présenté un évènement du critère composite, soit un taux d’évènement respectif de 16.4 et 22.0 pour 100 patient-années (p=0.508). L’Hazard Ratio était de 0.764 (0.343–1.70).

Il faut noter que le temps médian passé dans la cible d’INR était de 50.7%. Les patients sous Apixaban étaient considérés comme bien observant pour 44/48 d’entre eux.

Conclusion

Cet essai n’a pas mis en évidence de différence de sûreté d’utilisation de l’Apixaban 2.5mg deux fois par jour, prescrit pour une fibrillation atriale et comparativement aux AVK, chez des patients hémodialysés.

Deux autres essais portant sur la même question ont été initiés en même temps, notamment l’essai RENAL-AF (arrêt précoce en raison de difficultés de recrutement), ne mettant pas en évidence de différence entre Apixaban et AVK.

 

Les plus du papier

– Design de l’étude (prospectif, randomisé, multicentrique), même si le double aveugle n’a pas été possible.

– Constatation d’un INR bas chez les patients sous AVK, la difficulté à équilibrer ce traitement conforte la recherche d’une alternative.

– Résultats concordants avec ceux de la littérature.

Les critiques

– Concernant le choix du traitement, la posologie d’Apixaban a été fixée par le comité de pilotage en amont de l’étude, avant les données d’autres études pharmacocinétiques. L’AVK choisi, le Phenprocoumon, n’est pas utilisé en France. Les patients sous AVK n’avaient pas un INR très bien équilibré ce qui a pu induire un biais en défaveur de ce traitement.

– Petit effectif en raison de difficultés de recrutement mais compensé par un taux élevé d’évènements, mais ayant induit un manque de puissance (les critères de non-infériorité n’ont pas pu être atteints pour l’analyse).

– L’étude porte exclusivement sur l’indication “fibrillation atriale non valvulaire”, aussi les résultats ne sont pas extrapolables à d’autres indications d’anticoagulation curative.

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