BJN#192 – HTA et microangiopathie thrombotique : cause ou conséquence ?

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BJN#192 – HTA et microangiopathie thrombotique : cause ou conséquence ?

Cette BJN est rédigée en rapport avec la référence bibliographique suivante :

Timmermans SAMEG, Wérion A, Damoiseaux JGMC, Morelle J, Reutelingsperger CP, van Paassen P. Diagnostic and Risk Factors for Complement Defects in Hypertensive Emergency and Thrombotic Microangiopathy. Hypertension. 2020 Feb;75(2):422-430.

Lien vers l’article : Diagnostic and Risk Factors for Complement Defects in Hypertensive Emergency and Thrombotic Microangiopathy


Merci à Adrien Joseph, Néphrologue à Paris, membre du Comité Scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !

Introduction

L’hypertension artérielle sévère, par les contraintes de cisaillement qu’elle exerce sur l’endothélium, peut être responsable d’un syndrome de microangiopathie thrombotique. Certaines formes de microangiopathie thrombotique primaires, comme le syndrome hémolytique et urémique, s’accompagnent également d’une élévation parfois sévère de la pression artérielle et la distinction clinique entre ces 2 entités est difficile.

Patients/matériels et méthodes

Le sérum de patients se présentant avec une urgence hypertensive (PA systolique/diastolique > 180/120 mmHg) et des signes de microangiopathie thrombotique à la biopsie rénale a été testé pour sa capacité à induire une activation du complément (dépôts endothéliaux de C5b9 ex vivo) et une analyse génétique a recherché des variants rares de la voie alterne du complément. Les caractéristiques des patients présentant ou non une anomalie (fonctionnelle ou génétique) du complément ont été comparés et leur pronostic étudié.

Résultats

Vingt-six patients ont été inclus, tous présentaient une insuffisance rénale sévère (créatinine médiane 723 µmol/L) ainsi qu’une pression artérielle (217±32/130±24 mmHg) élevée à l’admission.

Le sérum de 18 (69%) patients induisait une activation du complément ex vivo et parmi eux 9 (35%) étaient porteurs d’au moins un variant portant sur la voie du complément (C3 (n=2), CFH (n=2), CFI (n=2), CD46 (n=1), and THBD (n=1)). Ces patients avaient une pression artérielle diastolique plus basse (120 versus 146 mmHg, p= 0,02), des plaquettes plus élevées (184 versus 113 G/L, p= 0,04) et étaient plus souvent d’origine européenne (100 versus 50%, p < 0,01). La présence d’une microangiopathie glomérulaire à la biopsie rénale était également associée à l’activation du complément (p= 0,03).

Les patients dont le sérum induisait une activation du complément ex vivo progressaient plus fréquemment vers l’insuffisance rénale chronique terminale (72% versus 38%, p= 0,03) et leur pronostic était amélioré par l’inhibition de la fraction C5 (5/6, 83% de réponse rénale, définie par une diminution > 25% de la créatininémie). A l’inverse aucun de ces patients n’a obtenu de réponse rénale à la suite du contrôle tensionnel seul.

Conclusion

Les microangiopathies thrombotiques induites par l’hypertension représentent une entité hétérogène dont la physiopathologie fait appel à l’activation du complément, en plus des contraintes de stress de l‘endothélium. Un continuum semble exister entre Syndrome Hémolytique et Urémique et microangiopathie liée à l’hypertension.

Les plus du papier

  • Les microangiopathies thrombotiques liées à l’hypertension artérielle sont peu étudiées, et cette étude avec son approche physiopathologique met en évidence une activation du complément dans une majorité de celles-ci, avec la présence de variants des gènes du complément dans une minorité des cas.
  • Il semble donc exister un recoupement entre microangiopathie thrombotique liée à l’hypertension et SHU médié par le complément, ce qui amène à reconsidérer les frontières entre ces syndromes et à envisager de nouvelles pistes thérapeutiques (blocage du complément).
  • Par ailleurs, cette étude souligne bien qu’aucun signe clinique ne différencie spécifiquement une hypertension artérielle responsable d’une microangiopathie thrombotique d’un syndrome hémolytique et urémique avec présence de variants du complément et réponse potentielle au blocage du C5, incitant donc à pratiquer de façon large les explorations génétiques du complément.

Les critiques

  • Le faible nombre de patients étudiés (n= 26) rend les résultats exploratoires, et l’exploration de l’activation du complément sur cellules endothéliales ex vivo est encore rarement pratiquée en routine.

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