BJN#173 – Le Pantoprazole en transplantation rénale, un traitement pas si anodin…

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BJN#173 – Le Pantoprazole en transplantation rénale, un traitement pas si anodin…

Cet article du BJN est rédigé en rapport avec les références bibliographiques suivantes :

Sunderland A, Russ G, Sallustio B, Cervelli M, Joyce D, Ooi E, Jeffrey G, Boudville N, Chakera A, Dogra G, Chan D, Wong G, Lim WH. Effect of the proton-pump Inhibitor pantoprazole on MycoPhenolic ACid exposure in kidney and liver transplant recipienTs (IMPACT study): a randomized trial. Nephrol Dial Transplant. 2020 Jun 1;35(6):1060-1070. doi: 10.1093/ndt/gfaa111. PMID: 32516810.

Lien vers l’article : Effect of the proton-pump Inhibitor pantoprazole on MycoPhenolic ACid exposure in kidney and liver transplant recipienTs (IMPACT study): a randomized trial


Merci à Betoul SHVARTZ, Néphrologue à Reims, membre du Comité Scientifique du CJN, pour cette synthèse bibliographique. Vous aussi, n’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !

Introduction

L’Acide Mycophénolique (MPA) est un des traitements immunosuppresseurs indispensable dans la transplantation rénale ou hépatique. Il existe sous la forme de Mycophénolate Mofétil (MMF) et de Mycophénolate Sodique (MPS). L’effet des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sur leur absorption n’a pas encore été évalué de manière fiable.

L’objectif de cette étude est d’évaluer l’effet pharmacocinétique de l’exposition à un IPP (ici le pantoprazole) chez des patients transplantés de foie et de rein.

Patients/matériels et méthodes

C’est une étude multicentrique, randomisée, prospective, en double aveugle, contre placebo, en cross over.

Les critères d’inclusion étaient des patients majeurs transplantés de rein ou de foie depuis au moins 6 mois, qui reçoivent une anticalcineurine et du MMF (≥ 1 gramme/j) ou du MPA (≥ 1080 mg/j) en 2 prises égales (matin et soir) à dose stable depuis 2 semaines.

Les IPP ou les anti H2 étaient arrêtés 2 semaines avant randomisation.

Les patients étaient randomisés à J0 et prenaient le 1er traitement (soit le pantoprazole 40 mg/j, soit un placebo) de J1 à J7 avec une AUC longue (H0.5, 1, 1.5, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 10 et H12) réalisée à J8. De J8 à J14, le traitement était arrêté (période de wash-out) puis les patients prenaient le 2ème traitement de J15 à J21 avec une nouvelle AUC longue réalisée à J22.

Le critère principal de jugement était l’AUC et la concentration maximale (Cmax) du MPA. L’AUC normalisée en fonction de la dose (AUC nd) l’était pour une dose de MMF de 2g/j ou de 1440 mg/j de MPS.

Résultats

41 patients ont été randomisés entre décembre 2011 et août 2017 et 40 patients ont fini l’étude (1 retrait de consentement) dont 1 transplanté hépatique et 39 transplantés rénaux.

L’AUC, l’AUC nd et la C max étaient significativement plus basses chez les patients sous MMF qui recevaient du pantoprazole vs placebo, alors que l’AUC, l’AUC nd et la C max étaient significativement plus hautes d’au moins 25% avec le MPS lorsque les patients recevaient du pantoprazole.

90% des patients sous MMF sans IPP avaient une AUC > 30 mg*h/L contre 68% s’ils recevaient également du pantoprazole. Pour le MPS, 76% avaient une AUC > 30 mg*h/L contre 81% lorsqu’ils recevaient du pantoprazole.

Cette modification de l’AUC était statistiquement significative dans le sous groupe de transplantés rénaux avec une clairance MDRD ≤ 60 mL/min/1,73 m2 contrairement aux patients avec une clairance > 60 mL/min/1,73 m2.

Conclusion

La prescription de pantoprazole chez un patient transplanté rénal sous MPA (MMF ou MPS) modifie l’AUC de ce dernier. L’AUC du MPS augmente avec le pantoprazole alors que l’AUC du MMF diminue avec ce traitement. Cette prescription de pantoprazole doit donc être justifiée et une AUC du MPA pourrait avoir un intérêt après initiation ou arrêt d’un traitement par pantoprazole pour réadapter les doses, surtout chez les patients ayant une clairance MDRD ≤ 60 mL/min/1,73 m2.

Les plus du papier

  • 1ère étude randomisée en double aveugle contre placebo qui évalue dans la vraie vie l’effet du pantoprazole sur la pharmacocinétique du MPA
  • Étude bien menée, multicentrique

Les critiques

  • Faible nombre de patient. Probable manque de puissance
  • Pas d’extrapolation possible aux autres IPP
  • Pas d’information sur les effets à long terme de cette modification de la pharmacocinétique : plus de rejets ?

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