BJN#229 – Couvrez ce HLA que je ne saurais voir

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BJN#229 – Couvrez ce HLA que je ne saurais voir

Merci à Tristan de Nattes, de Rouen, membre du conseil scientifique pour ce résumé. 

N’hésitez pas, si vous le souhaitez, à nous envoyer vos lectures ! 

Cette BJN est rédigée en rapport avec cet article :  CRISPR/Cas9-Engineered HLA-Deleted Glomerular Endothelial Cells as a Tool to Predict Pathogenic Non-HLA Antibodies in Kidney Transplant Recipients, publié par Baptiste Lamarthée et al. dans le JASN en Décembre 2021.

 

Introduction 

En transplantation rénale, le rejet humoral reste une cause majeure de perte de greffons. A ce jour, le diagnostic de rejet humoral peut être établi devant l’association de : (1) lésions tissulaires aiguës, (2) signes d’interactions d’un anticorps avec l’endothélium du grefffon et (3) mise en évidence d’un anticorps dirigé contre le donneur (DSA).

De plus en plus d’études mettent en relief l’existence de lésions histologiques compatibles avec un rejet humoral en l’absence de DSA dirigés contre le HLA. Par ailleurs, de nombreuses études soulignent l’importance des anticorps dirigés contre les antigènes non-HLA, par exemple les anti-récepteurs de type 1 de l’angiotensine II ou les anti-récepteur de type A de l’endothéline 1.

Les auteurs ont développé un test, le NHADIA (non-HLA antibodies detection immunoassay), basé sur des cellules endothéliales glomérulaires délétée en HLA de classe 1 et de classe 2, permettant d’évaluer la présence de DSA non dirigés contre le HLA.

Matériels et méthodes 

En utilisant la technologie CRISPR/Cas9, les auteurs ont délété les gènes de la B2microglobuline et de CIITA afin d’obtenir des cellules endothéliales glomérulaires dépourvues de HLA de classe 1 et 2. L’absence d’expression du HLA était confirmée par qPCR, cytométrie en flux, immunofluorescence, et co-culture avec des CAR-T cells dirigées contre le HLA A2. Le maintien d’un phénotype de cellule endothéliale malgré ces modifications était confirmé par l’expression de marqueurs endothéliaux tels que vWF, ICAM, VEGFR2, immunofluorescence, et test de prolifération.

Le test NHADIA consistait à incuber les cellules endothéliales dépourvues de HLA classe 1 et 2 avec le sérum du patient, puis à révéler la présence d’anticorps dirigés contre la cellule endothéliale à l’aide d’un anticorps marqué (figure 1).

L’étude clinique est rétrospective : tous les patients transplantés rénaux à l’hôpital Necker à Paris entre 2012 et 2017, pour qui le sérum de J0 était disponible, ont été inclus (N = 389). Les biopsies de greffons (protocolaires et pour indication) de ces patients étaient aussi analysées (N = 951).

Résultats 

En analyse multivariée, le facteur principal associé à une haute valeur de test NHADIA était une transplantation antérieure. En clustering non supervisé, le NHADIA clusterisait préférentiellement avec les lésions histologiques du spectre humoral : g, cpt, cg, C4d et v. Les valeurs de NHADIA étaient corrélées à ces lésions sur les biopsies protocolaires du 3ème mois.

Un seuil de positivité de ce test a été déterminé. Les patients ayant un test NHADIA positif avec une MFI de DSA < 1000 ou un test NHADIA négatif avec une MFI de DSA > 1000 avaient le même hazard ratio de développer des lésions de rejet humoral et la même incidence de lésions de rejet humoral (environ 40% à 2 ans post-transplantation) (figure 2). Enfin, en prenant un compte les résultats de ce test, environ 10% de biopsies considérées par les recommandations de Banff comme « absence de rejet » du fait de l’absence de mise en évidence de DSA pourraient être considérée comme rejet humoral.

Conclusion 

Les auteurs ont développé un test, le NHADIA, permettant d’identifier la présence d’anticorps non anti-HLA, dirigés contre les cellules endothéliales glomérulaires. La positivité de ce test en pré-transplantation est associée à un surrisque de développer des lésions histologiques compatibles avec un rejet humoral.   

 

Les plus du papier 

– Cette approche utilisant des cultures de cellules endothéliales est déjà validée. Ici, les auteurs s’affranchissent du HLA, permettant de tester l’ensemble des anticorps dirigés contre les antigènes mineurs présents à la surface des cellules endothéliales.

– Ce test peut avoir un impact direct sur la prise en charge, permettant de « récupérer » le diagnostic de rejet humoral chez 10% des patients.

– Cette étude souligne une fois de plus l’importance et l’impact des anticorps non anti-HLA

 

Les critiques 

– Le NHADIA n’est réalisé qu’une seule fois, sur le sérum de J0, et donc avant exposition aux antigènes du donneur. L’évolution des résultats de ce test dans le temps serait probablement informative.

– Les cultures cellulaires ne permettent d’évaluer que les antigènes de surface, alors qu’en situation réelle, d’autres antigènes intra-cellulaires ou cryptiques peuvent être exposés suite à des agressions endothéliales (infection, insuffisance rénale aiguë…)

– Enfin, il s’agit d’un test de cytométrie de flux, permettant de conclure sur la présence d’anticorps dirigés contre les cellules endothéliales, sans préjuger de leur caractère pathogène (par exemple capacité à activer le complément)

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