BJN#270 -Finérénone + iSGLT2, un couple fait pour durer ?
Merci à Dr. Pierre Filipozzi, de Metz, membre du conseil scientifique pour ce résumé.
N’hésitez pas à nous envoyer vos lectures !
Cette BJN est rédigée en rapport avec cet article :
Finerenone with Empagliflozin in Chronic Kidney Disease and Type 2 Diabetes, Agarwal et al., N Engl J Med
Introduction
Le diabète de type 2 (Dt2) et la maladie rénale chronique (MRC) font peser un lourd fardeau sur les patients. Les traitements standards (IECA/ARA2, SGLT2i, MRA stéroïdiens) réduisent les risques, mais la progression de la MRC reste fréquente. Des analyses secondaires à partir d’essais randomisés sur la finerenone laissent penser que la diminution du ratio albumine sur créatinine (RAC) était maintenu avec ou sans utilisation d’iSGLT2.
Cette étude CONFIDENCE vise à évaluer si l’association précoce de finerenone (MRA non stéroïdien) et d’empagliflozine (iSGLT2) offre un bénéfice additif sur la réduction de l’albuminurie qui est un critère de substitution pertinent pour la progression rénale dans le diabète, particulièrement si l’albuminurie est élevée (Heerspink H. Lancet Diabetes Endocrinol. 2019)
Matériels et méthodes
- Schéma de l’étude : Essai de phase II, randomisé, contrôlé, double aveugle, double placebo, internationale et multicentrique.
- Population : Patients adultes (juillet 2022–août 2024), diabétiques de type 2 avec un DFG entre 30 et 90mL/min, une HbA1c inférieure à 11 % et une albuminurie modérée à sévère (RAC 100 – 5000 mg/g). Exclusion des patients avec une insuffisance cardiaque à FEVG altérée symptomatique ou une kaliémie > 4,8mmol/L. Tous les sujets devaient avoir à l’inclusion un bloqueur du SRAA depuis plus d’un mois.
- Randomisation en 1:1:1 :
- Finerenone (10 ou 20mg) + empagliflozine (10mg) (n=269 patients. Groupe F+E)
- Finerenone seul + placebo (n=264) (Groupe F)
- Empagliflozine seule + placebo (n= 267) (Groupe E)
- Durée : 6 mois. Le traitement était interrompu à 180jours du début de l’étude et une dernière visite de contrôle avec prélèvements sanguins et urinaires était réalisée 30 jours plus tard.
- Critère principal : variation relative de l’albuminurie (RAC) à 180 jours.
- Critères secondaires : évolution de l’eGFR, hyperkaliémie, effets indésirables
Résultats
1664 patients screenés, 818 patients randmisés avec un DFG moyen de 54.2±17.1 mL/min/1.73 m² , un RAC à 579mg/g (écart interquartile, 292 à 1092) et une HbA1c à 7,3±1.2%.
- Albuminurie : La combinaison a entraîné une réduction significative du RAC 29 % plus importante qu’avec la finerenone seule (p<0.001) et 32 % plus importante qu’avec l’empagliflozine seule.Cette réduction s’est maintenue dans le temps puis l’albuminurie a réaugmenté à l’arrêt des traitements (cf figure)
- Efficacité : Effet additif observé, validant le concept d’une synergie précoce en début de traitement.
- Sécurité : La kaliémie a augmenté de 0,27mmol/L (IC95, 0.22 – 0.32) dans le groupe F+E et de 0,19mmol/L (IC95, 0.14 – 0.24) dans le groupe F. Il n’y avait pas de changement significatif de kaliémie dans le groupe E. Un déclin initial du DFG a été observé dans tous les groupes à l’initiation des traitements mais était réversible à leur arrêt. Ce déclin était légèrement plus marqué dans le groupe F+E par comparaison aux autres groupes. Pour la tension artérielle, des résultats comparables ont été relevés avec un diminution de TA de 7,4mmHg dans le groupe F+E alors qu’elle était 2 fois moins marquée dans les autres groupes.
- La proportion de patients avec un déclin du DFG >30% dans les 30 premiers jours de l’étude était de 6,3 % dans le groupe F+E, de 3,8 % dans le groupe F et de 1,1 % dans le groupe E. La fréquence des effets secondaires ayant conduit à l’arrêt du traitement était faible dans tous les groupes (<5%). Cf tableau
Conclusion
L’association finerenone + empagliflozine semble plus efficace que la finerenone ou l’empagliflozine seule pour réduire l’albuminurie sur 6 mois, sans surcroît d’effets indésirables graves. Ces données suggèrent que la double inhibition, dès le début, pourrait retarder la progression de la maladie rénale chez les patients diabétiques.
Les plus du papier
- Essai bien conçu (randomisé, multicentrique, double aveugle).
- Forte réduction du RAC, biomarqueur validé de progression rénale chez le diabétique de type 2.
- Bonne tolérance, sécurité confirmée dans un contexte combiné.
- Premiers signaux prometteurs pour un bénéfice cardiorénal potentiel.
- Tous les patients à de rares exceptions étaient sous bloqueurs du SRAA.
Les critiques
- Phase II : effectifs limités (818 patients) et durée modérée (6 mois).
- Absence de résultats sur durées plus longues (insuffisance rénale, mortalité, événements CV).
- Coût et accessibilité des deux traitements à surveiller.
- À confirmer en phase III et par analyses de coûts-efficacité en vie réelle.
- La finerenone reste indisponible à ce jour en France. Cette étude sera probablement insuffisante à elle seule pour convaincre les autorités de santé de rembourser la finerenone.